Le remplissage de Bas-Rebourseaux, l’ancienne gravière de la SNCF (Société Nationale des Chemins de fer Français) est évident, même sans avoir à effectuer des levées topographiques des dépôts. L’observation des différentes photographies aériennes de l’emprise du plan d’eau peuvent suffire.
Evolution des dépôts de la gravière depuis sa création jusqu’en 2017
Dès 1983, intervient le phénomène qui a fait dire aux ingénieurs de la SNCF que le plan d’eau était impropre à l’implantation d’une base de loisirs : l’inconsistance des écoulements de l’Armançon dans le plan d’eau. En effet, le changement d’orientation des veines liquides (axes d’écoulement de la plus grande partie de l’eau) par comblement du thalweg (ligne constituée par les points les plus bas du relief, et donc chemin que prennent les eaux) de 1981 est visible. Des dépôts exondés apparaissant déjà malgré la hauteur d’eau prévue de 2 à 2,50 mètres en basses eaux par la SNCF. Les premiers bancs de galets et autres matériaux s’engraissent rapidement. La végétalisation du plus ancien banc est visible dès 1985. En 1987, elle est manifeste. Commence à être visible en plus à cette date, la progradation de la rive gauche du lit mineur de l’Armançon au sein de la gravière par dépôt latéral. L’Armançon reconstitue donc ses berges par dépôt dans le plan d’eau. En 1996, un banc central se met en place entre la progradation des berges. Les veines liquides de l’Armançon se séparent donc entre l’ancien chenal de dérivation (chenal au nord du plan d’eau) et le centre de l’ancienne gravière. Les deux chenaux ainsi définis sont restés pérennes jusqu’à nos jours. Le fait le plus marquant à partir de 1996, est l’accroissement des surfaces de bancs exondés et leur pérennisation par colonisation végétale.
L’évolution des surfaces exondées et de leur végétalisation et donnée ci-dessous.
Dans un cours d’eau, les écoulements transportent une grande quantité de graines de plantes en plus des habituels blocs, galets, gravillons, sables, etc. Lorsque le cours d’eau dépose ces matériaux, les graines sont déposées en même temps que le substrat qui va pouvoir leur permettre de pousser. Leur croissance sur place est ensuite conditionnée par les débits, les crues et leurs courants arracherons en effet les jeunes plants qui ne seront pas encore suffisamment solides.
En termes de végétalisation on remarque la forte progression entre 1985 et 1993. Elle peut s’expliquer, comme nous l’avons vu plus haut, par la corrélation entre la colonisation des premiers dépôts exondés, permettant la progression rapide des végétaux, et la faiblesse des débits durant cette phase suivant la première colonisation végétale. En effet, entre 1985 et 1992, seuls 1,6 QJM (débit moyen de journée) par an ont atteints des valeurs proches du pleins bords (le pleins bords est le débit pour lequel le lit mineur est rempli au maximum, il constitue en somme le débit limite avant que le cours d’eau déborde, ici, la limite est fixée à 197 m3/s, c’est le débit pour lequel la rivière est ici « à raz-bords »). C’est bien plus faible que la moyenne de la période 1981-1992 (voir ci-après). De plus, les 11 jours au débit moyen atteignant le pleins bords sont concentrés sur l’année 1988 (9 jours) et dans une moindre mesure 1986 (2 jours). De plus, ces années ont connu des périodes de basses eaux étendues, sans forcément avoir des étiages marqués (les basses eaux interviennent toutes les années hydrologiques, les étiages sont plus rares et sont en somme l’inverse d’une crue). En effet, en 1990 par exemple, les basses eaux sont intervenues tôt (dès début juin) et se sont poursuivies jusqu’à la fin octobre. Ce calendrier hydrologique favorable explique la forte végétalisation des bancs. Les végétaux ainsi implantés augmentent la rugosité de la section d’écoulement (capacité à exercer de la friction et donc « freiner » l’eau, et forcer le dépôt que cette eau transporte, en plus de simplement bloquer la progression des galets par « effet de peigne »). Ce qui explique que les bancs végétalisés se soient ensuite rapidement étendus en surface après végétalisation, cette dernière piégeant la charge de fond. Il est à noter la réduction des surfaces de bancs, végétalisés et non végétalisés entre 2014 et 2017. Ce fait est explicable par une conjonction de facteurs : tout d’abord, l’orthophotographie établie en 2017 ne couvre pas l’intégralité de la gravière, ensuite les débits au tiers du module (débit moyen mesuré sur au moins 30 ans de relevés) ont pu limiter les surfaces de dépôts exondés comparativement à d’autres dates de prises de vues. Ensuite, l’année hydrologique 2016 de l’Armançon a vu se succéder deux événements majeurs : une crue quinquennale (qui a une chance sur cinq de se produire dans l’année, donc si l’on observe une très longue série de débits, cette valeur de crue reviendra en théorie une année sur cinq en moyenne) début juin et une crue fin novembre ayant présenté des débits moyens journaliers proches des valeurs d’une crue biennale (qui a une chance sur deux de se produire dans l’année, reviendra en théorie une année sur deux en moyenne sur une très longue série d’observations).